Madame Géniale
Lorsqu'elle arrivait à l'école maternelle pour chercher son fils, c'est toujours comme si la terre menaçait de s'arrêter de tourner. Tout ce qu'elle disait, pensait (toujours à voix haute), tout ce qu'elle faisait ou s'apprêtait à faire semblait de la plus haute importance : penser à prendre le sac du goûter resté accroché au porte-manteau de la classe, interpeller une autre maman, "Eh salut, tu vas bien ? Oui ? C'est génial ! Il faut qu'on se voit, tu m'appelles ?", remonter la fermeture éclair de l'anorak de son fils, payer la cantine, relacer une basket.
L'expression de son visage trahissait l'urgence absolue de sa mission : son fils, sa bataille ! Elle parlait fort, toujours en inspectant furtivement les alentours à la volée, toujours en détachant les mots comme une maitresse, ne négligeant aucune négation, choisissant son vocabulaire avec un soin particulier, dans un but volontairement éducatif.
Ce n'est pas qu'elle aurait aimer qu'on la regarde, non, simplement elle souhaitait que l'on remarque quelle mère parfaite elle était. Petite, elle aurait tant aimé avoir une mère comme celle là, précisément.
Chaque jour je la regardais s'agiter. Inmanquablement le simple fait de la croîser déclenchait chez moi un trouble, un agacement profond. Puis un jour je m'aperçus que je ne savais même pas à quoi ressemblait son fils. Blond, brun, petit ou grand ? Aucune idée. Ce gamin était une petite ombre docile et jamais je ne lui avais prêté la moindre attention. La prochaine fois, juré, je penserais à lui réserver un sourire, je ferais en sorte qu'il remarque que je sais qui il est.
Il est si compliqué d'exister quand on a une mère absolument parfaite.
2 commentaires:
Petit passage amusé et interessé sur ton blog d'humeur citoyenne. L'information sur la possible erreur de la Nasa fait froid dans le dos. Tu auras quel age en 2036 ?
82 ans ! Je sucrerais les fraises à mon avis !
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